27e goutte d’Emouna : La pudeur dans la Crainte du Ciel

BECHEM HACHEM NA’ASSÉ VÉNATSLIAKH
Bné Brak, 09.12.19 – 11 Kislev 5780 (27ème GOUTTE)

VAYICHLA’H

 

La pudeur dans la Crainte du Ciel

 

Permettez-moi de revenir sur un épisode, de la paracha précédente. Lorsque Hachem se révèle à Ya’acov Avinou son bien-aimé, et lui demande de quitter la compagnie de Lavan, après vingt années de travaux acharnés, aux côtés de cet impie, notre patriarche va avoir une réaction surprenante.

Le Rav Mordékhaï Miller pose des questions sur ce passage et y répond de façon magistrale dans un commentaire, de son livre Chabbat Chi’our, traduit en français, dont je recommande vivement la lecture.

Dans le Chapitre 31 de Béréchit, Ya’acov après l’ordre divin, fait venir ses femmes, afin de leur annoncer leur départ prochain. Il va ajouter plusieurs versets à la Tora, qui ont l’air en apparence superflus !

« Je vois que le regard de votre père n’est plus à notre égard comme au premier jour, il semble plus menaçant.

De plus, il nous a changés cent fois le salaire, et veut nous voler les bêtes pour lesquelles nous avons travaillé, malgré les bons et loyaux services, que je lui ai rendus…

De plus un ange d’Hachem m’a annoncé, que nous devions quitter la ville, alors faisons ainsi. »

Ya’acov Avinou n’avait nul besoin d’évoquer des motifs personnels prosaïques, il aurait simplement dire à ses femmes, qui étaient au même niveau, qu’Hachem s’était dévoilé et Lui avait demandé de quitter les lieux incessamment.

La réponse de Ra’hel et Léa, nous laisse également perplexes :

 « Avons-nous droit encore à une part et un héritage de la maison de notre père ? N’avons-nous pas été considérées par lui comme des étrangères, puisqu’il nous a vendues ? Il a consommé, oui, consommé notre bien ! Certes, toute la fortune, que D. a retirée de notre père, elle est à nous et à nos enfants, et maintenant, tout ce que D. t’a dit, fais-le. » (Vayétsé 14-16)

Qu’avaient-elles besoin d’énoncer tous leurs intérêts personnels, comme s’ils étaient la raison principale de leur volonté de partir ?

Elles auraient pu se contenter de dire : « Que nous soyons intéressées ou non, Hachem nous a demandé de partir, exécutons cet ordre. »

Pour répondre à ces questions, le Rav Miller de Gateshead, de souvenir de juste béni, rapporte trois épisodes de la Tora.

1) Le premier dans notre paracha : lorsque Ya’acov dormant au milieu du désert, place une petite gouttière de pierre, autour de sa tête pour se préserver des bêtes féroces, on est en droit de se demander en quoi ce muret suffirait-il à préserver Ya’acov. Ne sait-il pas que c’est Hachem qui le protège, comme Il lui a promis ?

2) Lorsque Moché Rabénou ne parvient pas à convaincre Hachem de le faire entrer en Eretz Israël, il reçoit finalement comme consolation de monter sur le Mont Névo, et d’avoir une vision périphérique de toute la terre d’Israël. Le Ramban, nous enseigne qu’il est impossible, depuis la montagne, de contempler tout Israël. Cela relève du prodige, alors pourquoi Hachem n’a-t-il pas fait le miracle de lui montrer la terre d’Israël, sans le faire grimper au haut de la montagne ?

3) Enfin, le prophète Élicha’ avait l’habitude d’être hébergé par une chounamite, une femme qui l’accueillait chaleureusement dans sa famille, lorsqu’il était de passage.

Pour la récompenser de sa grande générosité, il pria pour qu’Hachem fasse cesser sa stérilité. Hachem accéda à la requête du prophète, mais quelques temps plus tard, l’enfant décéda.

C’est alors que la femme appela Elicha’ pour lui demander de le réanimer. Elicha’ fit sortir tout le monde de la pièce, « s’étendit sur l’enfant et appliqua sa bouche sur sa bouche, ses yeux sur ses yeux, ses mains sur les siennes. » (Mélakhim II, 4, 34).

Avait-il besoin de procéder à cette réanimation artificielle ? Ne savait-il pas qu’Hachem lui donnait seul la force de réanimer les êtres, comme il est rapporté au sujet de tous les Maîtres cités dans le Talmud, qui étaient capables de ressusciter les morts ?

Dans ces trois situations, le surnaturel est masqué.

  • Ya’acov Avinou savait très bien qu’Hachem était son seul et unique gardien, mais il ne voulait pas se placer dans une situation, où il dévoilerait au monde, qu’il était apte à recevoir un miracle d’Hachem. Voilà pourquoi, il prit soin de voiler le miracle, en construisant « une murette en forme de gouttière autour de la tête, pour se protéger des bêtes sauvages. »

 

  • Il en va de même pour Moché Rabénou. Hachem voulut préserver son combat de toute une vie, qui fit de lui « le plus humble de tous les hommes.» Il ne voulait pas qu’il soit en mesure de s’enorgueillir et qu’Hachem fasse pour lui le miracle de lui montrer tout un pays, d’un endroit aussi bas.

 

  • Pour Élicha’, c’est d’autant plus remarquable, puisque personne n’était dans la pièce. Á qui voulait-il cacher sa piété et son niveau spirituel ? Á lui-même ! Il ne voulait pas se placer dans une situation, où il prendrait conscience, qu’il était apte à faire des miracles.

C’est pourquoi, profondément convaincu que c’était Hachem qui ressuscita l’enfant, Élicha’ créa l’impression d’une réanimation naturelle, que chacun aurait été capable de faire.

Nous tirons d’ici une leçon extraordinaire. Lorsque l’on dispose d’un bien précieux, il ne faut pas l’exposer au vu et au su de tout le monde, il faut faire preuve d’une grande pudeur, comme nous le révèle le Sabba de Kelm.

De même, la Crainte du Ciel est le plus beau cadeau au monde, voilà pourquoi il ne faut pas l’exhiber mais au contraire, le cacher avec un soin jaloux.

Ainsi, Ya’acov et ses femmes, avaient bien évidement à cœur de n’accomplir que la Volonté d’Hachem, et d’agir que pour Sa gloire, mais ils ne voulaient pas dévoiler au monde, à quel niveau exceptionnel de piété, ils étaient arrivés !

Ils évoquent des raisons terre à terre, se retranchent derrière des motifs matériels. C’est ce que nous voyons dans lekha dodi : « Sof Ma’assé bema’hchava té’hila. »

La dernière réponse qu’ils donnèrent, reflète en réalité la matérialisation d’un concept, l’essence même de leur pensée profonde, leur pureté d’intention.

Les devoirs du cœur, comme le prône Rabbi Mordékhaï Miller, « doivent être drapés de discrétion. » (Chabbat Chi’our. Paracha Vayétsé)

Que nous ayons le mérite d’avoir la Crainte du Ciel et de la voiler, pour que nos téfilot soient exaucées !

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